Tibet. Le toit du monde

Le toit du monde. C’est ainsi que l’on appelle le Tibet depuis longtemps. C’est une expression qui évoque des images de sommets enneigés, de pics montagneux, de glaciers, d’étendue de permafrost [un sol dont la température se maintient en dessous de 0 °C pendant plus de deux ans consécutifs] et de nomades vivant des ressources locales. Mais un toit, c’est aussi le symbole de la maison, du foyer, c’est la structure qui protège ceux qui y vivent. Et, comme chacun sait, si le toit va mal, c’est toute la maison qui est en danger. Les glaciers du Tibet sont en train de fondre, le monde doit le savoir. Son permafrost se dégrade, le monde doit se sentir concerné.

Le Tibet souffre de déforestation massive et des barrages construits sur ses fleuves, le monde doit agir. Pourquoi maintenant ? Parce qu’à l’occasion du rassemblement des leaders mondiaux à Paris le mois prochain pour la COP21, les rencontres des Nations Unies sur le changement climatique, la question du Tibet doit être à l’ordre du jour, c’est une nécessité. Le Tibet est une région stratégique du point de vue de l’environnement et, à ce titre, on ne saurait trop insister sur son importance dans la préservation de l’écosystème fragile du monde. D’une altitude moyenne de 4 000 m au-dessus du niveau de la mer et avec une superficie de 2,5 millions de km2, le Tibet est le plateau le plus haut et le plus vaste du monde. On peut dire qu’il est littéralement le toit du monde. Mais on peut ajouter à cette appellation de « toit du monde », quelques autres épithètes tout aussi justifiés : Le « troisième pôle ».

Vagues de chaleur

Avec ses 46 000 glaciers, le plateau tibétain héberge la troisième plus grande concentration de glace du monde, après les pôles Nord et Sud. Le « château d’eau de l’Asie ». Le plateau tibétain est la source-mère des six plus grands fleuves de l’Asie. Ces cours d’eau constituent une ressource vitale pour le milliard, trois cent millions de personnes vivant dans les dix nations les plus densément peuplées du monde situées autour de ce plateau. Le « faiseur de pluie ». L’état du plateau tibétain exerce une influence sur la régularité et l’intensité des moussons dans toute la région. Et si les leaders mondiaux confortablement installés dans leurs salles de conférence climatisées à Paris se remémorent la vague de chaleur très grave qui a sévi dans pratiquement toute l’Europe l’été dernier, ils auront alors un exemple de plus du rôle crucial que le Tibet joue sur les systèmes météorologiques mondiaux : ces vagues de chaleur sont liées à l’amincissement de la couverture neigeuse sur le plateau tibétain. Il est temps de se sentir concerné.

Les effets du changement climatique se font ressentir au Tibet. La température du plateau tibétain a augmenté de 1,3 degré Celsius, autrement dit trois fois la moyenne mondiale. Les glaciers du plateau tibétain fondent au rythme de 7 % par an. À ce rythme, les deux tiers des glaciers du plateau auront disparu en 2050. Le permafrost alpin, si crucial pour la santé de la planète, court un danger sérieux. Sur le plateau tibétain, le permafrost stocke plus de 12 millions de tonnes de carbone, mais 10 % s’est dégradé au cours de la dernière décennie. La dégradation et de ce permafrost et la libération de carbone dans l’atmosphère qui en résulte aura, est-il besoin de le dire, un impact dévastateur sur le changement climatique.

Il est temps d’agir. On peut encore éviter une catastrophe environnementale majeure mais nous devons agir maintenant pour la protection du plateau tibétain. À l’approche de la COP21, l’Administration Centrale Tibétaine lance un appel aux leaders mondiaux pour qu’ils s’engagent de toute urgence dans la lutte contre le changement climatique, en commençant par la signature d’un accord mondial solide à Paris. Un tel accord doit comporter des engagements significatifs et transparents de la part de tous les gouvernements, y compris celui de la Chine. La Chine s’est récemment engagée à faire plafonner ses émissions de carbone à l’horizon 2030. Cette annonce est évidemment bienvenue, mais cet engagement ne devrait pas être pris aux dépens de l’environnement tibétain.

Le développement, prévu par la Chine, de gigantesques barrages hydroélectriques n’est pas la solution. La Chine a déjà construit des barrages sur chacun des fleuves principaux du Tibet. Elle prévoit d’en construire d’autres. Dans le douzième plan quinquennal de la Chine, les projets hydroélectriques sont une priorité. Sans réelles concertations et études d’impact, ces projets énormes peuvent entraîner des dommages environnementaux sérieux et irréversibles. La Chine n’étant pas signataire de la Convention sur les cours d’eau des Nations Unies (qui vise à protéger la quantité et la qualité des ressources en eau), elle n’est pas liée par les standards internationaux de cette Convention. Les Nations Unies doivent agir en reconnaissant l’importance cruciale du plateau tibétain. Il est impossible d’arriver à une compréhension globale des changements climatiques mondiaux sans une telle prise en compte.

Il est nécessaire qu’un programme de recherches scientifiques soit conduit par les Nations Unies pour évaluer l’impact du changement climatique sur le plateau tibétain et le rôle crucial qu’il y joue. La vie nomade est essentielle pour la protection des terres arides du monde. Malheureusement, la Chine contraint les nomades tibétains à abandonner leurs pâturages et à intégrer des colonies de regroupement à grande échelle. À ce jour, plus de deux millions de personnes ont été ainsi déplacées. Il faut immédiatement cesser d’obliger les nomades tibétains à quitter leurs terres par la force, et que ceux qui ont déjà été déplacés et réinstallés ailleurs , soient autorisés à retourner à leurs pâturages. Les nomades tibétains sont les gardiens éprouvés de leurs terres, il faut donc intégrer leur savoir traditionnel aux mesures pour la protection du climat ainsi qu’aux pratiques d’adaptation au climat. Les Tibétains doivent avoir leur mot à dire sur ce qui se passe sur leurs terres.

Et le Tibet doit être à l’ordre du jour du changement climatique à Paris. Le Dalaï-Lama l’a dit : « Cette planète bleue est notre seule maison et le Tibet est le toit de cette maison. Si le plateau tibétain doit être protégé, ce n’est pas seulement pour les Tibétains mais c’est pour la santé et la pérennité du monde tout entier. » Des solutions à la crise du climat existent. Elles exigent volonté et action politiques pour protéger le toit du monde et, par extension, notre maison tout entière.

Sikyong, est un leader politique ; Lobsang Sangay est le chef de l’Administration Centrale Tibétaine (également connu sous le nom de Gouvernement Tibétain-en-Exil.)

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