Parmi les pays de l'OCDE, la dette publique japonaise est la plus élevée. L'origine de cette situation remonte aux années 1990, quand le gouvernement a essayé, en vain, de relancer l'économie après l'éclatement des bulles financières et foncières de la fin des années 1980, à travers des programmes coûteux de travaux publics. Le gouvernement Koizumi (2001-2006) a essayé de remédier à cette situation dans le cadre d'une politique de réforme structurelle.
Dans le contexte mondial de la crise économique, les recettes fiscales ont diminué. De plus, les dépenses publiques ont augmenté suite au plan de relance du gouvernement Aso (2008-2009). Dans ces conditions, selon l'OCDE, il est probable que la dette publique atteigne 200 % du PIB à la fin 2010 !
Le gouvernement Hatoyama, formé suite à la victoire du Parti démocrate au mois d'août, a assuré qu'il tiendrait ses promesses de campagne, à savoir de ne pas augmenter la TVA (dont le taux uniforme est fixé à 5 %) pendant les quatre prochaines années, et d'augmenter les dépenses publiques jusqu'à 125 milliards d'euros en 2013 afin de mettre en oeuvre les principales mesures de son programme : création d'une allocation parentale, suppression de l'impôt provisoire sur l'essence, gratuité des autoroutes, et garantie d'un revenu minimum pour les agriculteurs.
Parallèlement, de nouvelles ressources seront dégagées par la suppression de dépenses inutiles (travaux publics par exemple) et une réduction de 20 % des fonctionnaires. En revanche, le gouvernement n'a pas indiqué comment il allait faire face à l'augmentation "naturelle" des dépenses d'assurance-maladie, qu'on estime à 7,5 milliards d'euros par an, dans un contexte de vieillissement de la population. Rien n'est dit non plus sur les mesures pour assainir les finances publiques. Les sondages indiquent que les Japonais préfèrent la réduction des dépenses publiques plutôt que l'augmentation des impôts. Pourtant, on ne pourra pas échapper à une hausse des impôts et à une réforme du système fiscal. Il faut y réfléchir dès aujourd'hui, même s'il est évident qu'il serait dangereux d'augmenter les impôts maintenant dans un contexte de récession exceptionnelle. Nous voudrions suggérer trois pistes.
Disparité entre les générations
La première, la plus importante selon nous, est l'augmentation de la TVA. Du point de vue des ressources pour le budget de la Sécurité sociale, la TVA a des avantages par rapport aux autres impôts, car elle peut corriger la disparité existante entre les générations concernant le bénéfice et la charge de la Sécurité sociale. Pour aller vite, le bénéfice net de la Sécurité sociale est plus élevé quand on est plus âgé. Pour résoudre ce problème de disparité entre les générations, il n'y a que deux possibilités : soit diminuer le niveau de remboursement pour les personnes âgées, soit notamment imposer les plus de 60 ans aujourd'hui exonérés de certaines cotisations sociales.
Chercher de nouvelles ressources dans la TVA, c'est, selon nous, la meilleure solution dans un système où il existe des abattements très importants de l'impôt sur le revenu pour ceux qui touchent une pension et pour les cotisations de l'assurance-maladie des personnes âgées. Sans cela, la disparité entre les générations ne peut pas être corrigée, et la méfiance qu'on observe chez les jeunes à l'égard du système de retraite va perdurer.
Toutefois, il faut reconnaître que, comme la TVA est proportionnelle au revenu sur toute la vie, elle n'est pas un impôt progressif, et elle ne contribue donc pas à réduire les inégalités de revenus. Il est indispensable de prendre des mesures concernant la fiscalité sur le revenu, car elle seule peut introduire un impôt progressif. C'est là la deuxième réforme que nous suggérons. Une première mesure envisageable est la création d'un impôt négatif.
Toutefois, comme la prestation par la fiscalité est difficile à réaliser, il est sans doute également possible de prendre des mesures de réduction ou d'exemption des cotisations sociales. Par ailleurs, toute réforme de la fiscalité n'évitera pas la question de la baisse des impôts sur les sociétés. Certes, ce taux a commencé à baisser au Japon. Mais, dans les pays d'Asie orientale, qui sont en concurrence directe avec le Japon, le taux effectif de cet impôt est moins élevé qu'au Japon. Dans certains pays européens également, on observe une baisse de la fiscalité dans ce domaine, parallèle à un maintien du taux de la TVA à 20 % environ. Le Japon doit aussi, à terme, suivre ce mouvement.
Enfin, la troisième piste concerne la mise en place d'impôts écologiques. Des impôts sur les émissions de gaz à effet de serre doivent permettre non seulement d'alimenter des subventions pour lutter contre le réchauffement climatique mais aussi soutenir la "durabilité" des finances publiques en remboursant la dette publique et en diminuant l'impôt sur le revenu.
Pour conclure, alors que la fiscalité japonaise a jusqu'à présent mis l'accent sur les impôts sur les revenus, nous proposons une réforme qui prenne en compte les évolutions socio-économiques, comme le vieillissement de la population, la montée des inégalités et la délocalisation des entreprises. Selon nous, la seule option pour construire des finances publiques stables est de concentrer la fiscalité sur les impôts sur la consommation.
Takero Doi, professeur d'économie à l'université Keio.