Tuer au nom d'Allah

Dans la théologie musulmane l'essence d'Allah est d'une transcendance absolue, on ne peut Le comparer à rien, on ne peut même pas L'imaginer même s'Il est omniprésent et omniscient. Il n'a pas été engendré et Il n'a pas engendré. Il se manifeste par ses attributs d'où l'un de ses quatre-vingt dix neufs noms : le Miséricordieux (Al-Rahman). Ceux qui tuent aujourd'hui, ceux qui décapitent les otages innocents et éxecutent leurs propres corréligionnaires semblent ignorer ce terme, occurrent dans le début de chaque sourate. Je ne suis pas certain qu'ils aient une connaissance approfondie du Coran non plus, sinon ils tiendraient compte de ce que a été révélé à Mohamed, le messager d'Allah pour les croyants, dans la continuité des dix commandements dont celui-ci : «  Tu ne tueras point !». Pourtant le Coran ordonne de combattre les polythéistes : « Combattez sur le chemin de Dieu ceux qui vous combattent, sans pour autant commettre d'agression, Dieu n'aime pas les agresseurs. Tuez-les là où vous les rencontrerez, chassez-les des lieux d'où ils vous auront chassés. La persecution est pire que le meurtre » (II,190-193).

Si les polythéistes de la Mecque avaient respecté la croyance des premiers musulmans, le prophète n'aurait pas émigré à Medine pour faire alliance avec les deux tribus de cette ville converties à l'islam et déclarer la guerre à son propre clan. Chacun sait que le monothéisme fut imposé par le glaive aux infidèles de la Mecque d'abord, puis aux autres tribus de la péninsule arabique et même au-delà. L'évangélisation d'une partie de l'humanité n'a pas été pacifique non plus : «  Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! ». Mais aujourd'hui, les valeurs démocratiques auxquelles les pays musulmans ont du mal à adhérer protègent aussi bien les croyants que les agnostiques et les athés. Ces même valeurs, à commencer par la laïcité et la liberté de foi, n'arrivent pas pour autant à empêcher l'émergence des fanatismes religieux, y compris dans les banlieues des capitales européennes.

Malraux avait dit, de façon prémonitoire que le XXIe siècle serait « sprituel » ou ne serait pas. Mais il avait dit aussi : « Peut-être une vie ne vaut rien mais rien ne vaut qu'une vie ». Une religion qui ne respecte pas la vie n'a donc aucune raison d'être, même si elle tient lieu d'idéologie comme c'est le cas dans beaucoup de pays musulmans. Au nom d'Allah on assasine et cette barbarie ne se donne même pas la peine de cacher son vrai visage en se contentant de cacher le visage des femmes. Cela dit, traiter ce problème uniquement dans le cadre du terrorisme n'est pas pertinent. Les jeunes djihadistes qui rejoignent le camp de la violence aveugle sont pour la plupart des citoyens européens à la recherche d'une nouvelle identité. Car ils ont été rejetés ou ignorés par la société. Et l'islam radical représente à leurs yeux une forme d'émancipation, voire une aventure, certes destructrice mais ô combien attractive. Je veux dire par là que l'option militaire pour éradiquer l'Etat islamique ne doit pas empêcher les responsables politiques de l'analyser comme un mouvement issu d'une frustration et d'y remedier autrement que par la force.

La participation des pays musulmans à la coalition qui combat « l'Etat islamique«  est sans aucun doute la preuve qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle croisade mais qu'adviendra-t-il des djihadistes une fois qu'ils seront battus ? Allah reconnaîtra-Il les siens ?

Nedim Gürsel. Ecrivain turc, directeur de recherches au CNRS.

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