Tunisie : le combat démocratique continue

Choc, effroi et colère règnent en Tunisie après l’attaque du Musée national du Bardo qui a coûté la vie à au moins 20 personnes, dont 17 touristes.

Au-delà de l’horreur, il s’agit d’une véritable épreuve pour la transition démocratique. Le but est de faire régner la terreur et de détourner les Tunisiens de leurs objectifs de démocratie, liberté et pluralisme. Mais cela ne doit pas prendre, malgré la tentation d’une réponse tout sécuritaire.

Les Tunisiens ont appris à vivre avec les menaces régulières de déstabilisation qui se présentent aux frontières libyennes et algériennes. Depuis l’attaque de l’ambassade américaine en 2012, les meurtres, en 2013, de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, des policiers et des militaires ont été régulièrement la cible d’attaques dans la région du mont Chaambi et de Kasserine. En 2013 et 2014, plusieurs cellules terroristes étaient démantelées à Oued Ellil et Ouardia. C’est toutefois la première fois que la capitale tunisienne est visée et des civils pris pour cible.

Les mesures sécuritaires et la lutte antiterrorisme seront nécessaires pour relancer l’économie. Ces attaques sont un coup dur pour le président Beji Caid Essebsi qui a fait campagne sur le retour de la stabilité et de la sécurité afin de relancer le tourisme. Ce secteur d’activité représente plus de 8 % du PIB et environ 400 000 emplois. Le retour des investissements directs étrangers est crucial. La chute immédiate de l’indice Tunidex à la bourse de Tunis après les attaques est un mauvais présage pour une économie tunisienne déjà vacillante.

Nouveau contrat social

La lutte antiterroriste doit être menée sur tous les fronts et elle doit s’inscrire dans la durée. La sécurité c’est aussi l’économie et le social. Sur le plan économique, bien que Barack Obama ait déjà annoncé un investissement de plus d’un milliard de dollars en direction des jeunes entrepreneurs tunisiens, les partenaires internationaux doivent faire plus. Européens et Américains se doivent d’accélérer les négociations de libre-échange.

Ensuite, pour parvenir à un nouveau contrat social, il faudra mettre en œuvre une réforme de la sécurité et fournir aux jeunes Tunisiens des raisons de construire leur avenir en Tunisie. Le gouvernement doit et peut mieux faire. La récente condamnation par contumace du blogueur Yassine Ayari pour avoir critiqué l’armée montre le long chemin qui reste à parcourir. Afin d’ancrer la réconciliation nationale dans la société tunisienne, il faudra que justice soit faite envers les victimes des répressions sanglantes par les forces de police dans le mois qui a précédé la chute de Ben Ali et qui ont coûté la vie à 132 personnes.

Par ailleurs, il faut redonner espoir aux jeunes Tunisiens durement atteints par le chômage et la pauvreté. Ceux-ci se sont largement abstenus aux dernières élections, soulignant le fossé intergénérationnel qui se creuse. Cet abstentionnisme a touché différentes catégories sociales et constitue donc un véritable signal pour toute la classe politique tunisienne. Enfin cette aliénation de la jeunesse se retrouve en partie parmi les 3 000 Tunisiens partis combattre en Irak et en Syrie.

Depuis la révolution, la Tunisie est un exemple et ses citoyens ne doivent pas être découragés par ces attaques. Au contraire, ils ont fait preuve de courage et d’unité en entonnant l’hymne national à divers endroits de la capitale. Leur combat continue plus que jamais. Il passe par le rappel aux politiques tunisiens et à la communauté internationale de leurs responsabilités dans cette transition démocratique. Les enjeux de la lutte antiterroriste ne sont pas les mêmes dans la jeune démocratie tunisienne qu’à Paris ou à Copenhague.

Sarah Wolff , maître de conférences à Queen Mary University, à Londres et spécialiste des relations entre le Maghreb et l’Union européenne.

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