Un «new deal» européen pour sortir de l’impasse

Selon le Fonds monétaire international, la zone euro a 40% de risque de retomber en récession. L’investissement, public comme privé, est, dans toute l’Europe, 18% plus bas que son niveau de 2008. Une situation qui détruit la construction européenne et en vient même à paniquer les marchés.

La seule question qui se pose est donc de savoir comment sortir de cette impasse. Existe-t-il une voie qui respecte les textes européens tout en permettant de faire des choix différents de ceux qui échouent à sortir la France de la crise ? Notre réponse est oui et c’est le cœur du «new deal» que nous proposons.

D’abord, en repoussant les objectifs de réduction du déficit budgétaire. Non pour faire un cadeau à la France, qui n’est d’ailleurs pas seule dans ce cas. Mais pour alléger l’effet récessif de la réduction de ces déficits sur l’ensemble de la zone euro, ce que permettent les traités qui ont prévu des flexibilités en cas de circonstances exceptionnelles. De nombreux pays européens - dont l’Allemagne - arguent qu’ils ont, eux, réussi à réduire leur déficit. Mais, pour parvenir à l’équilibre budgétaire, Berlin a sous-investi considérablement, à tel point que ses infrastructures publiques commencent à se dégrader, tout en dégageant un excédent commercial absolument «anormal», largement supérieur à celui de la Chine ! S’il y a donc une chose que l’Allemagne ne peut pas exporter… c’est bien son «modèle» qui repose, par construction, sur le déficit des autres pays. L’idée selon laquelle la zone euro doit assouplir sa contrainte budgétaire est d’ailleurs majoritaire dans le débat mondial. C’est la position du FMI mais aussi des Etats-Unis et du G20 ! Il y a donc de quoi mener une bataille politique, non pas comme un mauvais élève pris en défaut, mais au nom d’une vision différente du rôle de la politique budgétaire puisque celle prônée par le gouvernement allemand et la Commission depuis 2011 ne fonctionne pas.

Le deuxième pilier du new deal, ce sont les réformes structurelles. Mais pourquoi la réforme serait-elle nécessairement néolibérale ? La Commission européenne définit les réformes structurelles comme celles qui augmentent la productivité des facteurs de production. Et, pour des raisons idéologiques, met l’accent sur la flexibilité accrue du marché du travail ou la baisse de la durée d’indemnisation des chômeurs car, c’est bien connu, ce sont les chômeurs qui sont responsables du chômage ! La responsabilité d’un gouvernement de gauche n’est pas de se soumettre à cet agenda mais, au contraire, de montrer comment il entend mener à bien ses propres réformes. Baisser l’impôt sur les sociétés quand le bénéfice est réinvesti et l’augmenter quand il sert à verser des dividendes au-delà d’un certain seuil, accorder davantage de pouvoir aux salariés au sein des conseils d’administration pour arriver, comme en Allemagne, à une meilleure gouvernance d’entreprise. Mais aussi réformer vraiment notre système de formation professionnelle, développer avec les économies réalisées sur tout le territoire des écoles de la deuxième chance, généraliser les maisons des services publics pour améliorer le service rendu tout en diminuant les coûts, réformer notre système fiscal pour diminuer la fiscalité sur le travail et augmenter la fiscalité sur les pollutions, lutter encore plus qu’aujourd’hui contre l’insupportable évasion fiscale des grandes entreprises… Autant de mesures qui forment un ensemble de réformes structurelles progressistes et responsables.

Enfin le troisième pilier est une stratégie d’investissement dans une «nouvelle prospérité». La France accueille la grande conférence sur le climat en décembre 2015. Samedi, les chefs d’Etat devaient s’accorder sur les ambitions de l’UE pour lutter contre le changement climatique. L’Europe étant le continent le moins doté en ressources naturelles, elle a tout intérêt à s’engager massivement dans l’économie verte, qui améliore notre qualité de vie en diminuant les pollutions, économise notre argent en baissant nos factures, et préserve notre indépendance géopolitique en diminuant notre dépendance au gaz russe comme au pétrole des pays du Golfe. Au-delà des différences qui peuvent exister sur le nucléaire, la France et l’Allemagne ont là un terrain d’entente majeur sur une stratégie d’investissements qui nous sera utile à court comme à long terme.

Voilà ce que la France devrait défendre. Voilà ce qui redonnerait confiance à tous ceux qui croient en l’Europe mais qui veulent un autre chemin que l’austérité. Monsieur le Président, il n’est jamais trop tard pour faire les bons choix !

Cécile Duflot, députée, ex-ministre de l’Egalité des territoires et du Logement. Pascal Canfin, ex-ministre délégué au Développement. Philippe Lamberts, coprésident du groupe des Verts-ALE au Parlement européen

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