Un nouveau référendum permettrait d’échapper à l’enfer du Brexit

Quand on meurt, nous attend l’enfer, le paradis ou le purgatoire. Le Brexit n’y échappe pas. L’enfer serait la sortie brutale de l’Union européenne sans aucun accord. C’est ce que l’ancien ministre des affaires étrangères Boris Johnson veut. Le paradis impliquerait que les Britanniques changent d’avis et restent à l’intérieur de l’UE – ce que souhaitent les proeuropéens qui se battent pour obtenir un nouveau référendum. Le purgatoire correspond à l’option « mi-dedans mi-dehors » que la première ministre Theresa May a négociée.

Evidemment, même les proeuropéens ne pensent pas que l’Union européenne représente littéralement le paradis. Comme toutes les inventions humaines, l’Union européenne est imparfaite et nécessite des transformations. Néanmoins, comme instrument destiné à accroître la paix, la puissance et la prospérité, elle est largement supérieure aux versions du Brexit promues par Johnson et May.

Pas d’alternative

Pour accéder au « paradis », les députés doivent d’abord refuser à la fois le « purgatoire » et l’« enfer ». Ils devront ainsi convenir que l’unique solution raisonnable est de demander au peuple s’il souhaite maintenir la décision de sortir de l’UE prise lors du référendum de 2016.

Mardi 15 janvier marque une étape importante car les députés doivent se prononcer sur la proposition de la première ministre. Elle ne satisfait ni les proeuropéens ni les partisans les plus radicaux du Brexit car elle menace à la fois notre prospérité et notre puissance. Nous n’aurions pas pleinement accès au marché européen mais nous continuerions d’être soumis à de nombreuses règles qu’il nous est impossible de discuter.

Les députés seront sans doute très clairs là-dessus : ils ne veulent pas non plus du Brexit de Johnson. C’est ce qui a conduit à un vote déterminant au Parlement le 8 janvier et empêché le gouvernement d’imaginer une sortie sans accord.

Si les députés travailleront à chercher d’autres solutions, l’UE a fait savoir qu’il n’y a pas d’autre alternative que celle qui est déjà sur la table. Si nous voulons discuter d’autres accords commerciaux possibles, nous pourrons le faire une fois sortis. Mais il faudra d’abord signer l’accord de divorce défendu par la Première ministre.

Paradis et purgatoire

Les proeuropéens auront ensuite pour tâche de convaincre le chef du Parti travailliste, Jeremy Corbyn, de soutenir un nouveau référendum. Les membres et les sympathisants du Labour souhaitent massivement rester dans l’UE, donc il y a de fortes chances que le chef de l’opposition se rallie à cette option. Il y aura alors certainement une majorité au Parlement pour défendre un nouveau « vote populaire », étant donné que plusieurs députés conservateurs eux-mêmes y sont favorables.

L’opinion publique aura probablement à choisir entre le paradis et le purgatoire – très peu de députés croyant l’enfer possible. Mais il se peut toutefois que le choix n’implique que l’enfer et le paradis, ou qu’il ait trois entrées : paradis, enfer et purgatoire.

Le Parlement devra faire passer une nouvelle loi autorisant ce référendum : par la manière douce avec le soutien de la première ministre, ou par la manière forte, en allant contre sa volonté. Les députés disposent des moyens nécessaires à la suite d’une décision du président de la Chambre des communes le 9 janvier les laissant décider du calendrier parlementaire.

Tout cela ne pourra se faire d’ici le 29 mars, date à laquelle nous sommes censés quitter l’UE. Il faudra donc demander aux autres Etats membres un délai supplémentaire.

La faute de Westminster

Les proeuropéens devront ensuite remporter le référendum. Et cela requiert de mener une campagne bien plus positive que celle conduite par David Cameron lorsqu’il était premier ministre. Celui-ci s’était contenté de défendre le statu quo, insistant sur le désastre que représenterait une sortie de l’Union européenne.

Le problème est que de nombreux électeurs, en particulier ceux qui résident dans des villes qui ont cruellement manqué d’investissements pendant des décennies, considèrent le statu quo comme insupportable. Une nouvelle campagne devra montrer que les problèmes profonds qu’ils rencontrent ne sont pas la faute de Bruxelles mais de Westminster, et les convaincre que le maintien dans l’UE leur donne précisément les moyens de les affronter.

Nous devrons aussi expliquer que l’UE promeut activement nos intérêts dans d’innombrables domaines. Il faut bien voir qu’il y a trois ans, la plupart des hommes politiques et des journalistes n’avaient qu’une vague connaissance du fonctionnement de l’UE. Ils ont suivi depuis des cours intensifs et ils ont beaucoup appris.

Beaucoup réalisent à présent que nous devrons nous battre pour la paix en Irlande du Nord en n’étant plus membre de l’UE. Ils comprennent qu’un marché uni requiert des règles communes et qu’il vaut mieux s’asseoir à la table pour participer à la conception de ces règles plutôt que de les suivre aveuglément.

Une oasis dans un paysage troublé

Nombre d’entre nous comprennent aussi l’intérêt de faire partie du plus grand bloc économique du monde quand d’autres puissances comme les Etats-Unis et la Chine usent partout de leur influence. Et une fois encore, il vaut mieux prendre part à la conception des politiques économiques européennes que de les suivre passivement.

Il y a trois ans, lorsque s’est tenu le référendum sur le Brexit, Donald Trump n’était pas à la Maison Blanche et Vladimir Poutine ne menait pas des opérations secrètes au Royaume-Uni pour empoisonner des gens. Les députés commencent à percevoir que le monde est devenu plus dangereux et que si l’UE a ses problèmes, elle représente néanmoins une oasis dans ce paysage troublé.

Même Johnson, lorsqu’il était ministre de affaires étrangères, a fini par admettre que nous avons plus en commun avec nos alliés européens qu’avec l’Amérique de Trump. Qu’il s’agisse du réchauffement climatique, du pacte nucléaire iranien ou du transfert des ambassades à Jérusalem, nous partageons toujours le point de vue des Européens.

Ce n’est pas un hasard. Nous avons des valeurs et des intérêts en commun parce que nous nous situons dans la même partie du globe. En 2016, on présentait aux Britanniques une version fantasmée du Brexit. Si, après mûres réflexions sur la réalité d’une sortie de l’UE, ils décident d’y rester, ce pourrait être un puissant antidote au populisme qui déferle sur l’Europe. Nous espérons que la France et les autres pays européens nous accueilleront le cas échéant à bras ouverts. Il y a beaucoup à faire et nous serons plus forts ensemble.

Hugo Dixon est journaliste et vice-président de la campagne « People’s Vote », un mouvement qui souhaite la réorganisation d’un référendum sur l’issue finale du Brexit. Traduit de l’anglais par Pauline Colonna d’Istria

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