Un revenu universel de 1 000 euros par mois pour 35 milliards, c’est possible

Dit brutalement, un revenu universel de 1 000 euros par mois, ce qui correspond au seuil de pauvreté défini à 60 % du salaire médian, pour tous les majeurs de plus de 18 ans, et de 500 euros pour tous les mineurs de moins de 18 ans (c’est-à-dire bien plus que ce que propose le candidat socialiste) coûterait 600 milliards d’euros, soit 30 % du produit intérieur brut (PIB) français. Horreur !

Mais ce chiffre n’a aucun intérêt car il ne représente que les sommes en jeu et non pas le vrai coût net de ce dispositif. Or quel est ce vrai coût ?

D’abord il faut bien comprendre que c’est, au moins dans un premier temps et parce qu’il faut aller vite, l’impôt sur le revenu qui sera calé pour financer le dispositif. Avec un principe essentiel : le nouvel impôt permettra aux personnes qui en ont besoin de garder le revenu universel et à ceux qui n’en ont pas besoin de le rendre.

Et, contrairement à ce que dit Thomas Piketty (Le Monde du 11 décembre 2016), qui ne comprend pas l’intérêt de donner le revenu universel puis de le reprendre par l’impôt, la vie est faite de contrariétés.

La plupart vont le rendre sous forme d’impôts

Piketty devrait se promener dans les couloirs de Pôle emploi et y voir ces milliers de gens qui croyaient ne jamais tomber dans la précarité et ne pas avoir besoin de ce revenu universel. C’est pour cette raison qu’il faut proposer le revenu universel à tout le monde. Mais, parce que la plupart des gens vont le rendre sous forme d’impôts, une grande partie des 600 milliards distribués sous forme de revenu universel sera récupérée par le système d’imposition.

Ensuite le revenu universel se substitue à tous les revenus de solidarité (allocations familiales, allocations logement, allocations vieillesse, RSA…) dont le montant avoisine les 100 milliards d’euros (sources : Institut Montaigne 2014, essentiel CAF, impôts…) quand on y intègre le quotient familial qui perd en effet tout son sens avec l’existence du revenu universel (à cause des sommes allouées aux enfants).

On rappelle que le revenu universel laisse inchangés les systèmes de Sécurité sociale et de retraites qui sont des revenus différés avec leurs propres modes de financement.

Dès lors, pour calculer le réel coût de ce dispositif, il faut examiner ce qu’il manque aujourd’hui aux plus démunis pour leur permettre d’atteindre les niveaux de revenus proposés par le revenu universel, compte tenu des transferts dont ils bénéficient déjà.

Economie de frais de gestion

Or, quand on croise les statistiques de l’Insee sur le revenu disponible (2014), c’est-à-dire ce dont disposent les ménages après transferts et impôts, avec celles de l’INED sur le nombre et la composition des ménages, on peut facilement estimer le besoin de financement supplémentaire aux 100 milliards déjà alloués sous forme de prestations diverses à environ 35 milliards d’euros.

Pour vaincre la pauvreté et la précarité, 35 milliards d’euros supplémentaires ce n’est pas grand-chose. Alors qu’attendons-nous ?

De plus, chacun disposant avec le revenu universel d’un socle minimal de revenus, il est juste que tout euro supplémentaire gagné sous forme de salaire, retraite, bénéfice… devienne imposable. On rappelle ici que plus de 50 % des Français ne payent pas d’impôts sur le revenu et ne paient donc pas d’impôts locaux. Ce qui n’est pas normal pour que chacun soit citoyen à part entière. Un taux de 5 % puis 10 % sur les revenus aujourd’hui non imposables rapporterait au moins 20 milliards d’euros.

Bien sûr, pas question de faire payer le revenu universel par les catégories les plus modestes. Mais cela signifie que les marges de manœuvre fiscales sont énormes. D’autant plus que la suppression des allocations de toutes sortes, outre qu’elle enlèverait les effets de seuil souvent perçus comme intolérables (car on soupçonne toujours son voisin d’en récupérer plus !), ferait gagner en frais de gestion des milliards d’euros à l’Etat et surtout aux collectivités territoriales.

Le revenu universel permettrait de redistribuer davantage les gains de la mondialisation et d’éviter les rancœurs populistes, pour un faible coût. Le revenu universel à 1 000 euros par mois c’est juste, c’est possible, c’est 35 milliards d’euros et c’est maintenant.

François Careme, economiste, ancien haut cadre dirigeant d’une grande entreprise.

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