Un second référendum sur le Brexit serait un désastre pour la démocratie

Au moment où des voix s’élèvent dans tous les partis pour demander un second référendum sur le Brexit, il est important de ne pas sous-estimer la gravité de la situation. Un second référendum serait un désastre de première grandeur pour la démocratie.

Au lieu de donner au Royaume-Uni la possibilité de transcender la fracture entre Leavers [partisans du divorce] et Remainers [qui ne souhaitent pas quitter l’Union européenne, UE] sous la forme d’un Brexit démocratique et représentatif, un second référendum reproduirait ces divisions, et de manière encore plus âpre.

Cela enrayerait la régénération de la démocratie parlementaire qui a été ouverte par le Brexit, substituant la démocratie directe à la démocratie représentative, avec tous les dangers de manipulation par les élites que cela comporte.

Un second référendum éroderait le fondement même de la démocratie en sous-entendant que la règle de la majorité est une condition insuffisante pour fonder la légitimité démocratique, ce qui fragiliserait toute décision politique prise dans un proche avenir.

Cela jetterait un voile sur la vie politique du Royaume-Uni, sapant les institutions politiques nationales et délégitimant la base même de la démocratie en tant que mode collectif de décision. Cela alimenterait le ressentiment dans l’opinion, nourrirait les politiques protestataires et l’extrémisme.

Affirmation hypocrite

Mais « les démocraties ont le droit de changer d’avis », rétorque-t-on. C’est là une affirmation profondément hypocrite, presque toujours énoncée par les plus irréductibles opposants au Brexit. S’ils tiennent aussi jalousement à garder les choix ouverts, il est légitime de se demander si ces Remainers – tout comme les convertis récents à la cause d’un second référendum, comme Nigel Farage [ancien chef du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni, de tendance europhobe, qui prétend qu’un second vote permettrait de clore une fois pour toutes le débat sur l’UE] – seraient prêts à approuver un troisième référendum afin de confirmer les résultats d’un deuxième. Et pourquoi pas un quatrième référendum pour confirmer le troisième ? Bien évidemment, ils refuseraient.

Si nous votions pour réintégrer l’UE après un second référendum, nous pouvons être certains que les Remainers au sein de l’élite prendraient aussitôt les mesures nécessaires pour que ce second choix soit verrouillé par des mécanismes limitant la volonté populaire et démocratique – des mécanismes que l’UE excelle à créer.

Le Brexit n’a pas encore eu lieu. Un second référendum ne reviendrait pas à modifier une décision qui a déjà été mise en œuvre, mais à subvertir une décision qui n’a pas encore été promulguée. Pire qu’une démocratie par plébiscite, cela reviendrait à maquiller une délibération par plébiscite en prise de décision démocratique.

Quel qu’ait été le choix des Britanniques à propos du Brexit, tous ceux qui ont à cœur l’avenir de la démocratie doivent s’opposer fermement à un second référendum.

Philip Cunliffe, Maître de conférences, spécialiste des conflits internationaux à l’université du Kent. Traduit de l’anglais par Gilles Berton.

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