Un succès à la COP21 est plus important que jamais

Suite aux terribles attentats qui ont frappé Paris, la COP21 et l’objectif de protéger la planète contre un réchauffement dangereux prennent une toute autre dimension. Au-delà des réponses sécuritaires aux attentats qui concentrent actuellement l’attention de la France, de l’Europe et des grandes puissances mondiales, ces pays ne doivent pas perdre de vue que des réponses dans d’autres domaines, comme la protection de la planète et la solidarité internationale, sont aussi attendues.

Une approche qui vise uniquement la sécurité de la France et de l’Europe ne peut pas aboutir dans un monde interconnecté, où croissent les disparités et où le changement climatique affecte de plus en plus la vie de milliards de personnes et en particulier celles des populations défavorisées.

Personne ne devrait sous-estimer l’importance qu’un accord climat pourra avoir sur la sécurité et la paix dans le monde : à court terme en envoyant un message d’unité et de coopération internationales au monde, à moyen et long terme en limitant les migrations climatiques, en réduisant les risques de conflit liés à la raréfaction des ressources, en améliorant la sécurité alimentaire et les conditions de développement de manière générale.

Les plus pauvres les moins responsables

Un succès à la COP21 est donc plus important que jamais. Et il ne se mesurera pas seulement à la stratégie adoptée pour contenir le réchauffement climatique à 2 degrés, mais aussi à la hauteur de l’aide que les pays émergents et riches apporteront aux plus pauvres et vulnérables.

Cette conférence de Paris est en effet l’occasion pour les pays développés et émergents de soutenir concrètement les pays les moins avancés et les petits Etats insulaires en développement, premières victimes du changement climatique, en plus d’autres aléas auxquels ils sont déjà confrontés. Si le financement de la lutte contre le changement climatique est déjà au cœur des négociations, la question de sa juste répartition en fonction des besoins n’a pas encore reçu l’attention qu’elle devrait. Les belles paroles ne suffiront pas, un objectif chiffré concret doit être mis sur la table.

En 2013, les pays riches n’ont alloué que 22 % des financements climat à ces catégories de pays. Soit à peine plus de 8 milliards de dollars sur les 38,5 versés. Ce sont pourtant ces pays les plus pauvres et vulnérables qui sont les moins responsables du changement climatique et qui en payent le plus lourd tribut, sans pour autant avoir les ressources pour y faire face. Une situation loin de celles des pays émergents, qui émettent davantage de gaz à effet de serre et ont plus de moyens d’atténuation et d’adaptation.

Sans une cible précise pour répartir équitablement les 100 milliards de dollars promis en 2020 aux pays en développement, ces financements ne bénéficieront pas en priorité à ceux qui en ont le plus besoin. L’injustice climatique ne sera pas réparée, les inégalités au niveau mondial iront en s’accroissant.

118 millions de victimes potentielles

L’urgence est là, déjà visible. Les changements climatiques provoquent des crises humanitaires et à plus long terme sont un frein au développement et à la stabilité des pays les plus pauvres et les plus vulnérables. Pire encore, ce fléau peut ruiner les progrès réalisés depuis des décennies sur le front de la lutte contre l’extrême pauvreté et de la défense des droits. Les premières tendances sont sans appel.

On sait déjà à ce jour que si rien ne change, 118 millions de personnes extrêmement pauvres seront exposées à des risques de sécheresse, d’inondation et de chaleurs extrêmes en 2030, dont la grande majorité en Afrique subsaharienne. Pire, sans même prendre en compte ces risques de catastrophes climatiques, l’augmentation de la température globale aura un impact direct sur un secteur plus que vital à ces pays, principalement situés en Afrique : l’agriculture.

D’après les Nations Unies, si le réchauffement excédait les 3 °C au niveau global, toutes les zones actuelles de culture de maïs, de millet et de sorgho en Afrique pourraient devenir non viables. Et même si on se tient à un réchauffement de 2 °C, objectif actuel des négociations de l’Accord de Paris, rien qu’au Sahel, cela amènera à une diminution de 13 % de la production de maïs et de 20 % de celle de millet.

250 000 décès supplémentaires par an entre 2030 et 2050

Quand on sait que ce secteur représente un tiers du PIB du continent africain et que 70 % des travailleurs africains vivent de l’agriculture, on imagine l’effet dévastateur d’une forte réduction de la productivité agricole sur les populations déjà vulnérables. L’OMS estime que les changements climatiques pourraient entraîner environ 250 000 décès supplémentaires par an entre 2030 et 2050, dont la grande majorité serait due à la sous-alimentation des enfants.

On pourrait continuer ainsi longtemps à égrainer les désastreuses réactions en chaîne des changements climatiques sur les populations les plus pauvres, mais n’est-ce pas déjà suffisant pour réagir ? Les pays riches doivent envoyer un signal clair pour prouver leur engagement envers ceux qui en ont le plus besoin : cibler 50 % des financements publics vers les pays les moins avancés et les petits Etats insulaires en développement permettrait réellement de changer la donne !

Plus que jamais la COP21 doit porter un message d’espoir mais aussi apporter des réponses concrètes pour que les pays les plus pauvres et les plus vulnérables ne soient pas les laissés pour compte d’un accord mondial contre le changement climatique.

Friederike Röder (Directrice France de l’ONG ONE) et Guido Schmidt-Traub (Directeur exécutif de Sustainable Development Solutions Network)

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