Une lutte de tous les instants contre les mines

La Convention d’Ottawa d’interdiction des mines antipersonnel compte aujourd’hui 161 Etats parties. Ceux-ci, réunis aujour­d’hui à Genève jusqu’au 6 décembre, doivent tout mettre en œuvre pour respecter leurs engagements. D’énormes progrès ont été réalisés dans la lutte contre les mines. L’interdiction paraît acquise pour beaucoup. Cependant, il ne s’agit que de la partie visible de l’iceberg, le travail est loin d’être terminé. D’une part, l’universalisation du traité n’est pas réalisée, une trentaine d’Etats n’ayant pas encore signé la Convention. D’autre part, les Etats doivent poursuivre leurs efforts dans le financement de l’assistance aux victimes, domaine d’action requérant une implication sur le long terme, même si leur soutien connaît une hausse favorable cette dernière année.

Il est vrai que le bilan est plutôt positif depuis 1997, année durant laquelle le Traité d’Ottawa sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction a été ouvert à signature à New York. Actuellement, 161 Etats sur les 196 reconnus par les Nations unies sont parties au traité et doivent respecter leurs obligations à travers les cinq piliers d’action: le déminage, la prévention et la sensibilisation aux risques, la destruction des stocks, le plaidoyer et l’assistance aux victimes. Grâce aux efforts des Etats parties, des acteurs de la société civile et des ONG comme Handicap International, d’importantes réalisations ont été accomplies. Depuis dix ans, aucun Etat, qu’il soit signataire ou non, n’a exporté de mines et uniquement 12 pays – Etats non parties – s’octroient le droit de produire ces armes. En outre, près de 5000 km2 de terres ont été dépollués, plus de 50 millions de personnes ont été sensibilisées aux risques des mines et des restes explosifs de guerre. Le nombre de victimes recensées a diminué de moitié environ, passant de 8000 par année au début des années 2000 à 3628 en 2012.

Malgré ces progrès, 71 Etats et territoires sont toujours affectés par les mines et restes explosifs de guerre et les populations restent menacées. Plus grave encore, ces armes ont été utilisées récemment dans certains pays, notamment en Libye, en Israël et au Myanmar en 2011, au Yémen en 2011 et 2012, et en Syrie en 2012 et 2013. Le combat doit donc continuer pour arriver à la réelle et concrète universalisation du traité. A l’heure actuelle, 36 pays et territoires n’ont pas fait le pas essentiel d’adhérer à la Convention, parmi lesquels la Chine, les Etats-Unis, la Russie, la Corée du Nord, le Pakistan, se réservant le droit de les produire et de les utiliser… L’universalisation du traité se pose comme question urgente et sera l’un des points clés des débats de la 13e conférence des Etats parties. De concert avec les acteurs de la société civile et les ONG, comme notamment la Campagne internationale de lutte contre les mines antipersonnel (ICBL), dont Handicap International est membre fondateur, les Etats parties appelleront les Etats non-parties à rejoindre le Traité d’Ottawa.

De plus, au cours des dernières années, on constate une trop grande faiblesse des fonds consacrés à l’assistance aux victimes de mines et autres restes explosifs de guerre, alors que des centaines de milliers de survivants d’accidents barbares ont besoin d’une aide à vie. Les Etats parties doivent tenir leurs promesses et porter assistance aux victimes. Le terme «victimes» est à prendre au sens large. Il s’agit non seulement des personnes tuées ou blessées lors d’accidents, mais aussi de leurs familles, de leurs proches et l’ensemble des communautés affectées et menacées par ces armes. Après un accident qui a blessé ou coûté la vie à une personne, c’est l’entourage familial qui doit se reconstruire. Les survivants, blessés, doivent réapprendre à vivre avec un handicap, retrouver un travail, se réinsérer dans une société où les structures ne sont pas adaptées la plupart du temps aux besoins des personnes handicapées. Les survivants et leurs proches restent des victimes même une fois que les terres ont été dépolluées et que les stocks ont été détruits. N’oublions pas que dans le monde ces armes meurtrières sont responsables d’une victime toutes les deux heures en moyenne et qu’il reste encore environ 3000 km² à dépolluer et à sécuriser sur l’ensemble de la surface du globe. Dans certains pays, comme le Laos, des restes explosifs de guerre disséminés il y a maintenant près de cinquante ans tuent et mutilent alors que la dépollution des terres est mise en œuvre tous les jours. Leur présence ralentit la croissance et le développement économique du pays tout entier, car les terres contaminées ne peuvent pas être cultivées. Le Laos n’est pas signataire de la Convention d’Ottawa, cependant il a pris des mesures concrètes, collaborant avec des organisations non gouvernementales, pour réduire la menace de ces armes en appliquant les cinq piliers de l’action contre les mines.

Ce n’est donc pas le moment de lâcher prise, mais plutôt de continuer sur cette lancée très positive.

Il est indispensable que la communauté internationale dans son ensemble ne néglige pas les populations qui vivent au jour le jour avec la peur. Les Etats parties ne doivent pas les oublier sous prétexte qu’ils respectent la majorité des engagements qui les lient au traité. Ils devraient garantir aux communautés affectées une vie dans un monde débarrassé de ces armes, la possibilité de se reconstruire après un accident et de pouvoir participer au développement de leur pays.

Petra Schroeter, directrice de Handicap International en Suisse.

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