Une Nuit des idées pour repenser un monde commun

La Nuit des idées invite, le 26  janvier, en France et dans 40 pays penseurs et citoyens à échanger, débattre et prendre la parole autour du thème « Un monde commun ». Le programme ainsi que la retransmission des rencontres en France et à l’étranger est à retrouver sur le site de l’événement : lanuitdesidées.com. Ce dossier a été réalisé en partenariat avec l’Institut français.


Une nuit pour penser. Trente-six heures arrachées au sommeil pour échanger des idées et confronter les intellectuels français à ceux du monde entier. Tel est le pari renouvelé de la Nuit des idées. Créée et organisée pour la première fois par l’Institut français en janvier 2016, cette manifestation avait réuni plus de 4 000 noctambules éclairés au Quai d’Orsay. Un public – souvent très jeune – avait arpenté les célèbres salons dorés Second Empire du ministère des affaires étrangères – exceptionnellement ouverts pour l’occasion – afin d’écouter historiens et philosophes, juristes et médecins parler du monde tel qu’il va et ne va pas.

Forte de ce succès, cette deuxième édition, dont Le Monde est partenaire, s’étend et s’internationalise, se développe et s’externalise. Entre le 26 et le 27 janvier, de Paris à Bondy (Seine-Saint-Denis), de Tokyo à Los Angeles, dans 40 pays, 50 villes et 70 lieux, théoriciens ou romanciers questionneront notre « monde commun », thème central de la manifestation.

Au moment où, partout, se creuse un fossé entre les inclus et les exclus de la mondialisation, à l’heure du séparatisme social globalisé, à l’époque de la guerre des identités, quel monde, quelles valeurs, quelles idées communes peut-on encore partager ? Sommes-nous condamnés de laisser l’idée de communauté aux communautarismes qui hantent notre planète ­déchirée ? Sur la scène des idées, comme réponse à ces questions, un mot, un concept s’impose depuis quelques années. Celui de « commun ».

Notre monde s’unifie

Aussi éloigné de l’historique « communisme » que de l’or­ganique « communautarisme », le « commun » désigne ce que nul – Etat ou entreprise privée – ne peut s’approprier. Il peut recouvrir les « biens communs » que sont l’eau ou l’air, mais aussi un principe politique puissant qui radicalise la démocratie qui irrigue les « mouvements des places » au moins depuis les « printemps arabes », expliquent le sociologue Christian Laval et le philosophe Pierre Dardot. Car, si la division est aujourd’hui répandue, le commun est également partout.

En science, l’éthologie ne cesse de conforter l’idée d’un continuum entre l’humanité et l’animalité, et l’écologie ne cesse de nous enjoindre de considérer, avec Edgar Morin, notre planète comme une « Terre-patrie ». Le commun est une très vieille tradition, qui vient des Grecs anciens. Mais c’est aussi une idée neuve en Europe et de par le monde, qui met en branle nos contemporains. D’où l’envie d’interroger quelques invités de cette Nuit des idées sur ce qui peut encore fédérer les différences sans les réduire ni les renier.

Car « tout est commun », disait Baudelaire. Les langues sont toutes étrangères mais la traduction permet précisément, loin du « globish » (ce global english qui uniformise la planète) d’éprouver la pluralité des mondes, explique l’helléniste et philosophe Barbara Cassin. Car, malgré les replis identitaires, notre monde s’unifie, s’affranchit des frontières et nous ne reviendrons pas en arrière, poursuit le philosophe Achille Mbembe.

Même s’il faudrait parfois, rappelle la sinologue Anne Cheng, que les démiurgiques chinois d’aujourd’hui se souviennent de la modération de leurs ancêtres, conscients d’appartenir au cosmos dont l’équilibre était à préserver. Et si le commun contemporain, c’étaient précisément les idées, ces pensées qui circuleront – notamment le 26 janvier – sur la planète entière sans qu’aucune barrière, aucune frontière viennent les arrêter.

– « La pluralité des langues, c’est un pique-nique planétaire », par Barbara Cassin, philologue, helléniste, germaniste et philosophe . Une cité, c’est comme un repas collectif où chacun apporte ce qu’il a. Partons donc de la diversité des langues comme on part de la diversité des citoyens afin d’articuler nos différences grâce à la traduction.

– Inventons de nouvelles formes de vie, par Pierre Dardot (philosophe) et Christian Laval (sociologue). Les mouvements comme celui de la Puerta del Sol à Madrid ou même Nuit debout à Paris se prolongent aujourd’hui à travers des expérimentations multiformes qui font prévaloir pratiquement la logique de l’usage commun contre celle de la propriété.

– « Et si la Chine se souvenait du ciel ? », par Anne Cheng, professeure au Collège de France, chaire d’histoire intellectuelle de la Chine. L’influence du philosophe Confucius a longtemps conduit la civilisation chinoise à rechercher un équilibre vital avec la nature. Or l’intrusion du monde occidental a mis à mal cette conception.

– « L’identité n’est pas essentielle, nous sommes tous des passants », par Achille Mbembe, historien et philosophe. Une nouvelle conscience planétaire émerge, qui se joue des appartenances et des frontières. Il est temps d’inventer une démocratie pour notre temps, estime Achille Mbembe, historien et philosophe.

– « Nous avons besoin d’une histoire commune et connectée », par Ali Benmakhlouf, professeur à l’université de Paris-Est-Créteil, membre senior de l’Institut universitaire de France. Nous avons beaucoup de mal à élargir notre vue, pensant que ceux qui appartiennent à d’autres civilisations sont non seulement lointains, mais même incommensurables avec nous, explique l’universitaire.

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