Vaccination : il faut procéder Ehpad par Ehpad

A l'Ehpad Emile Gérard, à Livry-Gargan, le 22 avril. Photo Benoît Tessier. Reuters
A l'Ehpad Emile Gérard, à Livry-Gargan, le 22 avril. Photo Benoît Tessier. Reuters

Selon la Haute autorité de santé (HAS), les personnes âgées résidant en Ehpad doivent être vaccinées en priorité «à l’arrivée des toutes premières doses», «compte tenu du nombre limité de doses qui seront disponibles au démarrage de la campagne de vaccination». Viendront ensuite leurs soignants. Ce choix repose sur l’idée qu’il faut vacciner en premier ces sujets les plus fragiles. Ce qui semble une évidence mais la réalité est plus complexe si l’objectif est d’obtenir un maximum de protection en situation de pénurie de vaccins.

On ne sait rien sur l’efficacité des vaccins candidats chez les sujets âgés. Comme toujours les études actuellement publiées portent sur des populations très jeunes, bien que celle du vaccin d’Astra Zeneca ait inclus un groupe de sujets de plus de 70 ans. Mais dans ce groupe la moyenne d’âge est de 73 ans et il n’y aurait pas eu un seul sujet de plus de 83 ans. Plus encore on sait que la population des Ehpad est très âgée et atteinte de maladies qui entravent la réponse vaccinale. L’enjeu est celui d’une inefficacité de cette première vague de la vaccination. On ajoutera que les vaccins basés sur «l’ARN messager» constituent un modèle de vaccination entièrement nouveau et on ne connaît pas l’impact du vieillissement sur leur mécanisme vaccinal. Le risque est immense, tant pour les malades âgés qui seraient mal protégés que pour l’image d’efficacité des vaccins, autour desquels le consensus est si fragile.

Nous avons l’expérience de la vaccination antigrippale. Malgré une vaccination à des taux très élevés (frisant les 100 %) il existe des épidémies de grippe dans les Ehpad et le moyen le plus efficace de les prévenir est de vacciner les soignants et les visiteurs. Des études ont montré, notamment en Grande-Bretagne, combien la vaccination de soignants était un puissant réducteur de la mortalité par grippe en Ehpad. Et que de réduire le réservoir de virus est un puissant adjuvant à l’efficacité vaccinale. Ce qui a conduit d’ailleurs ce pays, comme d’autres, à considérer (et à démontrer) que la vaccination des enfants de 4 à 15 ans était un fort adjuvant de la protection des aînés.

L’option retenue d’une vaccination des résidents (étape 1), puis avec une temporalité qui va dépendre des stocks de vaccins celle des soignants des Ehpad (étape 2). Compte tenu des effectifs (750 000 résidents et 100 000 soignants), l’hypothèse d’une coïncidence des deux étapes n’est guère crédible.

Soyons pragmatiques : considérons chaque Ehpad comme un tout (résidents et soignants) et avançons étape par étape, c’est-à-dire Ehpad par Ehpad. C’est possiblement le moyen le plus efficace d’obtenir localement l’efficacité maximale. Ou à défaut il faudrait alors débuter par la vaccination des soignants (100 000 personnes), puis secondairement les résidents.

Restent deux questions importantes : l’une éthique, l’autre scientifique. La question éthique concerne le libre consentement des résidents à accepter la vaccination. Si une part si importante des Français exprime son hostilité à son encontre et exige le respect de cette opinion, comme organiser le respect de l’opinion des résidents des Ehpad, d’évidence en situation de faiblesse au plein sens juridique du mot. Si par malheur des effets secondaires surviennent dans cette population, quelle responsabilité ! On ne peut éluder cette question et il faut organiser son accompagnement. C’est l’occasion ou jamais de porter à l’agenda la question du consentement au soin pour les résidents des Ehpad.

La question scientifique est également essentielle. Par décision ministérielle, les vaccins ne passeront pas par le filtre de la Commission de la transparence de la HAS, dont la mission est d’étudier les produits de santé, y compris les vaccins et de les hiérarchiser en toute indépendance sur leurs avantages et inconvénients. Son avis sur les vaccins contre la Covid-19 manquera cruellement pour informer en toute lucidité les patients. On a vu le rôle essentiel joué récemment par cette commission dans l’affaire du Remdesivir, qui a d’évidence été essentiel pour protéger la France d’une gabegie financière et les patients des méfaits d’un médicament inefficace. Pourquoi se priver d’une telle compétence ?

Olivier Saint-Jean, Chef de service de gériatrie, à l'hôpital européen Georges Pompidou

Deja una respuesta

Tu dirección de correo electrónico no será publicada. Los campos obligatorios están marcados con *