IVG dans la Constitution : «Une grave menace pour la clause de conscience des soignants»

Le projet de loi visant à inscrire dans la Constitution que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à l’interruption volontaire de grossesse » sera examiné à l’Assemblée nationale le 30 janvier 2024.

En l’état de sa rédaction, ce projet est muet sur les conséquences de cette évolution sur la protection de la clause de conscience qui vise à garantir aux professionnels de santé le droit de refuser de participer à la réalisation d’un acte contraire à leurs convictions personnelles, professionnelles ou éthiques.

Le recours à sa conscience est une liberté essentielle de toute personne exerçant une profession avec responsabilité. Dans la loi de 1975 autorisant l’IVG, l’article L.2212-8 du code de la santé publique permet au médecin et au personnel soignant de refuser, lorsque sa conscience le lui dicte, de concourir à une IVG. La clause de conscience spécifique à l’IVG dispose qu’« aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse ».

Dans une décision de janvier 1975, le Conseil constitutionnel reconnaissait une valeur constitutionnelle à « la liberté des personnes appelées à recourir ou à participer à une interruption de grossesse », découlant du principe de liberté de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le Comité consultatif national d’éthique a rappelé, quant à lui, en 2020, la « singularité de l’acte médical que représente l’IVG » qui justifiait l’existence de cette clause de conscience spécifique. D’ailleurs, tous les actes qui concernent le droit à la vie ou l’intégrité du corps humain font l’objet de clauses de conscience spécifiques. Ainsi en est-il en France de la stérilisation et de la recherche sur l’embryon ou les cellules souches embryonnaires humaines.

Dans ce contexte, et si l’État français entend accorder au recours à l’IVG le rang de liberté garantie par la Constitution, il serait prudent qu’il confirme dans le même texte sa détermination à garantir de manière tout aussi claire le droit, pour tout soignant, de ne pas concourir à une interruption de grossesse.

Certes, le projet de réforme constitutionnel ne prétend pas battre en brèche le principe de la liberté de conscience garanti par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Mais si la réforme constitutionnelle garantissait expressément la liberté de conscience, elle mettrait alors un terme aux velléités de ceux qui prônent la suppression de la clause de conscience et rassurerait un grand nombre de soignants qui craignent aujourd’hui d’être privés de leur liberté de conscience et contraints de participer à des gestes que leur conscience leur interdit de poser.

Il serait en effet dramatique que certains, une fois la réforme constitutionnelle menée à son terme, obtiennent du législateur la suppression dans le code de la santé publique de la clause de conscience au motif que l’avortement, devenu un droit constitutionnellement garanti, impose que chaque soignant, au mépris de son éthique personnelle, participe à une IVG.

S’est-on posé la question de savoir, au-delà de la constatation, pourquoi un nombre croissant de médecins et de sages-femmes refusent de pratiquer des interruptions de grossesse ? C’est qu’elles et eux savent que l’IVG n’est pas un acte banal. La disparition de la clause de conscience conduirait des soignants à démissionner, sans compter l’incertitude pour les futurs soignants sans garantie constitutionnelle de la clause de conscience. Dans la situation actuelle de crise des effectifs des professions de la santé, cela aggraverait encore la situation déjà très précaire de notre système de santé.

Notre devoir de soignants est d’entendre les femmes dans leur détresse ou difficultés lorsque certaines situations de vie les amènent à demander un geste qu’elles réprouveraient dans tout autre moment. Mais cela ne doit pas entraîner l’obligation pour le personnel de santé d’effectuer ce qui heurte sa conscience pour des raisons personnelles ou professionnelles. Le respect de l’exercice de la liberté de conscience des soignants est essentiel ; il doit être préservé.

C’est pourquoi, avec des milliers de soignants déjà mobilisés depuis une semaine, nous demandons à Emmanuel Macron, en tant que gardien des institutions, d’intervenir solennellement pour consacrer la clause de conscience de l’ensemble des professionnels de santé dans la Constitution.

Le professeur Emmanuel Sapin, chirurgien pédiatrique et néonatal, est à l’initiative d’un nouvel appel à tous les soignants : « Défendons notre clause de conscience. »

Deja una respuesta

Tu dirección de correo electrónico no será publicada. Los campos obligatorios están marcados con *