Directive copyright : le droit d'auteur doit rester compatible avec la liberté d’information

A l’occasion de l’adoption d’un nouveau cadre juridique renforçant la protection des droits d’auteur, une disposition devrait imposer la mise en œuvre de dispositifs techniques pour lutter contre les usages non autorisés de contenus protégés. Hélas, aucun garde-fou n’a été prévu pour protéger également la parodie ou le droit à l’information, des exceptions majeures au droit d’auteur.

Le droit d’auteur ne serait plus adapté à l’ère du numérique. Malgré l’adoption voici quelques années de la très controversée directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information qui, déjà, se présentait comme une mise à jour du droit d’auteur à l’heure de l’Internet 2.0, les institutions européennes rediscutent d’un nouveau cadre juridique plus contraignant et protecteur des droits d’auteur sur internet.

Article 13

L’article 13 de ce texte est au centre de toutes les attentions. Cet article prévoit une obligation pour les plateformes de signer des accords avec des sociétés de gestion collective pour la diffusion, par les utilisateurs de ces plateformes, de contenus potentiellement couverts par un droit d’auteur. A défaut, elles seraient tenues de mettre en place un outil automatique de détection et de suppression des contenus protégés par le droit d’auteur.

De nombreuses critiques se sont fait jour sur l’impact de cette mesure sur les plateformes ou sur la capacité de jeunes créateurs d’être encore en mesure de mettre en ligne quelques reprises enregistrées dans un garage afin de se faire connaître plus largement. Les reprises étant détectées et supprimées, la visibilité de jeunes talents s’en trouverait réduite. Les critiques mettent aussi en exergue une crainte légitime : celle de l’atteinte à la liberté d’expression.

Aujourd’hui, de très nombreux contenus protégés par un droit d’auteur sont utilisés dans des buts légitimes et légaux. Le droit à la critique, le droit à la parodie ou le droit à l’information sont autant d’exceptions au droit d’auteur reconnues de longue date. La capacité de créer des mèmes, si proches de la culture numérique, pourrait être remise en question. La possibilité de reprendre des images pour traiter un fait d’actualité pourrait tomber sous le couperet d’un «robot copyright».

Comment gérer les exceptions ?

De même pour les tweets ou les posts ne faisant que reprendre une courte citation. La raison est que ni la directive ni les outils sont aujourd’hui en mesure de gérer les exceptions au droit d’auteur qui sont, tout autant, des droits pour des citoyens et la garantie de la liberté d’expression. Les titulaires de droit s’en remettent aux outils techniques développés par les plateformes tandis que celles-ci rappellent à juste titre que c’est aux ayants droit de s’assurer d’une bonne application du droit d’auteur, y compris par eux. La crainte n’est pas virtuelle. Le numérique a permis l’émergence de nouvelles formes d’information, basée sur la diffusion de mini séquences vidéo. Des médias comme Brut ou Loopsider ont vu le jour et sont les succès que l’on connaît dorénavant car le droit d’auteur est conciliable avec la liberté d’expression.

Il en va de même pour tous les autres médias qui peuvent avoir recours à des sons ou des images pour illustrer des contenus diffusés sur les divers réseaux sociaux. La directive se doit d’appréhender ce déséquilibre. Des solutions existent. Ainsi, la responsabilisation des ayants droit dans l’atteinte à la liberté d’expression permettrait de s’assurer que, s’ils sont titulaires d’un monopole sur l’exploitation de leurs droits, ils ont aussi l’obligation de laisser s’exprimer les usages tolérés par la loi. Au choix, on pourrait imaginer de pénaliser la notification abusive de vidéos parodiques ou sanctionner financièrement les demandes de retrait de contenu couvert par l’exception d’information ou par l’exception de citation. Si le renforcement de la protection des droits d’auteur est aujourd’hui une priorité, cela ne doit pas se faire au détriment de la liberté d’information.

Giuseppe de Martino, Fondateur du média en ligne Loopsider

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